Kartta

Le discours qu’avait prononcé Helena, alors qu’elle ne s’était adressée qu’à First, avait finalement eu plus d’ampleur que ce qu’elle avait espéré. Son monologue avait prôné le commencement d’une quête, d’une entreprise visant à s’unifier pour trouver des réponses et ses paroles avaient atteints les “Pacifistes”. Oisifs et vide toute volonté de faire quoique ce soit, ces pacifistes trouvaient en Helena et ses paroles l’annonce d’actions, de changement, de renouveau. Evidemment, tous n’étaient pas venus, et ceux qui s’étaient séparés des autres l’avaient fait au grand dam des chefs des Pacifistes. Mais ce fut ainsi que eux, passèrent d’une dizaine à plus d’une trentaine, tous d’horizons, d’époques différentes. Cela n’avait pas aux autres d’être plus nombreux. Au moins, ils étaient moins inoffensifs qu’avant. Tous avaient finalement aisément accepté un peu plus de compagnie. Les quatre religieux cependant ne s’étaient pas simplement adonnés à l’adoration complète de Helena, loin de là, mais ils avaient du avouer que ses paroles avaient une petite part de vérité malgré sa petite traitrise. Non sans un certain scepticisme, ils avaient décidé de s’embarquer eux aussi dans la quête des réponses sans pour autant oublier leur fois. Ils accordaient une sorte de gros bénéfice du doute à la rousse américaine. Elle avait même réussi à les rallier à sa cause, eux les fanatiques. Il n’y avait qu’un seul à qui cela déplaisait : Nexus.

L’américaine se tenait là, immobile, regardant devant elle sans un mot. Elle avait pris les devants par rapport au groupe. Comme ils furent un peu pris de court, ils ne savaient pas exactement quoi faire, n’ayant rien prévu. Leur premier objectif fut donc de quitter Londres et de trouver un autre endroit plus calme où ils pourraient établir un camp. A partir de là, ils pourraient se structurer, et voir qui avait tels renseignements, explorer les potentiels pistes. Ce fut de cette manière qu’elle se retrouvait plantée là, contemplant leur prochaine étape. A plusieurs centaines de mètres devant elle, plusieurs masses rocheuses s’élevaient dans le désert, et en haut d’une colline désordonnée, on pouvait apercevoir plusieurs maisons en bois et pierres, visiblement abandonnés. De loin, comme ne près, l’endroit ne semblait pas vraiment accueillant. Helena entendit des pas s’enfoncer dans le sable et s’avancer vers elle. Un romain vint se mettre à son niveau et posa innocemment son bouclier dans le sable. Tandis qu’elle continuait de scruter l’horizon droit devant elle, lui fixait un peu partout autour d’eux. C’était la première fois qu’ils parlaient depuis Londres.

- Alors maintenant on est quoi, un troupeau plutôt qu’un groupe ?

Le silence lui répondit. Il attendit un moment et reprit.

- J’ai vu des gens se lancer dans ce genre de...quête ou de mission. Tous ont abandonné, tous ont échoué.

L’américaine ne lui répondit toujours pas et continua de fixer son horizon.

- Helena, ce n’est pas ce qu’on est supposé faire.

Il l’avait dit avec une pointe de colère dans la voix, des paroles sifflées entre sa mâchoire crispée.

- I know what we are supposed to do, and I don’t care.
(Je sais ce qu'on est supposé faire, et j'en ai rien à faire.)

Elle daigna enfin porter son regard sur lui, un regard froid et dur.

- But I’m curious, what could you possibly do about it? We both know we have to stay together, and correct me if I’m wrong, but you’re not the one who is going to leave.
(Mais je suis curieuse, qu'est-ce que tu pourrais y faire exactement ? On sait tous les deux qu'on est supposé resté ensemble, et corrige moi si je me trompe, mais tu n'es pas celui qui partira.)

Helena appuya encore plus son regard puis le romain leva les yeux vers un nouveau venu. L’américaine se détourna de Nexus et reporta son attention sur la colline. Le prêtre vint les rejoindre tandis qu’ils firent mine que rien ne s’était passé. Ou du moins, il s’en doutait mais ne voulait rien dire. Le prêtre se contenta de pointer du doigt le petit village en haut de la montée.

- I’ve been there before. I can tell you, it ain’t Happy Town.
(Ce n'est pas la première fois que je viens ici. Croyez-moi, c'est pas une ville très accueillante.)

- Then we’ll go first, I’ll tell the other to wait for us here.
(Alors nous irons en premier, je vais dire aux autres de nous attendre ici.)

Il ne manquait plus que la botte de paille qui roulait sur le sol après une légère brise, une mauvaise musique un peu kitsch, et ils pourraient parfaitement tourner un western dans les plus pures traditions. L’endroit était totalement désert. Les petites maisons parfaitement bien placés et entretenus formaient plusieurs allées, petites comme grande. En pierre ou en un matériau plus dur, le pur style westernien se faisait sentir. Helena se demanda même si elle ne se trouvait pas dans un décor de film, plutôt qu’une bourgade perdue au milieu de l’ouest des Etats-Unis de Lincoln. Encore une fois, le temps semblait s’être arrêté, les vêtements sur les cordes flottaient au gré du vent, les rocking-chairs grinçaient encore un peu, se balançant d’avant en arrière. L’absence totale de monde était aussi rassurant que stressant. Peut-être que le prêtre avait l’habitude de ce genre de décor, mais Helena et Nexus s’attendait à ce que l’enfer leur tombe dessus d’un moment à l’autre. Ils se sentaient définitivement dans le calme avant la tempête. First monta sur une des vérandas en bois, les étoiles de ses bottes firent leur petit cliquetis habituels. Même s’il devait probablement vivre dans une ville comme celle-ci, même s’il en avait vu des vides, il avait le pan droit de sa longue veste en cuir tiré en arrière, sa main droite posé sur la crosse de son revolver, juste par précaution. Personne dans le saloon après avoir jeté un oeil à travers les carreaux de vitre, ils continuèrent d’avancer. Après quelques pas cependant, le religieux aperçut quelque chose plus loin au coin d’un tournant et s’arrêta net. Silencieusement, il interpella les deux autres et d’un signe de tête, il pointa l’endroit de sa trouvaille. Non sans prendre ses précautions, les deux autres jetèrent un oeil au coin d’une des habitations. Au loin, à plus d’une cinquantaine de mètres, il y avait une personne agenouillée, recouvert d’amples vêtements, la tête penchée vers le bas, comme s’il dormait. On ne voyait pas ses mains, caché entre ses cuisses légèrement entre-ouverte. Bien trop suspect pour pouvoir avoir l’air d’autre chose, ils décidèrent d’aller voir, mais prenant de multiples et utiles précautions. Ainsi, à l’aide de signe et paroles basses, le prêtre allait avancer à gauche, se faufilant un chemin entre les bâtiments, tandis que les deux autres allaient prendre vers la droite. Ils devaient rester à couvert le plus possible, parce que visiblement, ce pauvre homme était placé là pour justement attirer l’attention. Silencieusement donc, ils parcoururent la distance dans le sable, courant en rasant le sol et les murs. Arrivé près de l’homme qui n’avait pas bougé d’un poil, ils se collèrent tous les trois à un mur. Helena fit des signes au prêtre de l’autre côté de la rue et lui demanda si la voie semblait dégageait, car de leur côté, elle l’était. Il répondit que oui, alors ils décidèrent de sortir à découvert, chacun d’un côté de la rue. Prudemment, ils s’approchèrent de la personne à genoux, pas à pas. Ils n’étaient plus qu’à quelques mètres de lui, quand il sembla bouger, remuant un peu la tête.

-...実行...
(...courez...)

L’homme bougea un peu les bras et lorsqu’ils regardèrent de plus près, elles étaient attachés à l’aide corde. Un léger bruit, une minuscule corde presque transparente se souleva du sol rapidement, laissant une trainée de sable. La corde semblait se faire tirer en arrière et se raidit, puis disparaissait sous les vêtements de l’homme qui se levèrent un peu, révélant une veste de grenades improvisés sur lui. La corde de nylon dégoupilla une des grenades dans un cliquetis métallique sec.

- SHIELD!
(BOUCLIER !)

Helena se retourna brusquement et se jeta entièrement sur Nexus, les projetant ainsi dans les airs. Le romain les entoura comme il put de son bouclier, tandis que le prêtre se jetait en arrière lui aussi, les bras en avant. Puis l’homme explosa dans une détonation déchirant le silence et dans un grand nuage de sable.